Géorgie, un accueil glacial

En janvier 2019, je suis parti en Géorgie. A vrai dire, lorsque j’ai réservé mes billets d’avion, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. L’envie de découvrir ce territoire peu connu, combiné à ma condition de réceptionniste en appart‘hôtel, bloqué entre le poids de l’ennui et celui d’un travail rébarbatif, m’avait suffi à franchir le pas, et à m’offrir ce sésame vers l’inconnu.

C’est par Koutaïssi, la deuxième plus grande ville du pays, que le voyage a commencé. La météo était en adéquation avec la période hivernale, la température affichait aux alentours des 5 degrés. La vingtaine de kilomètres qui séparent l’aéroport et le centre-ville allait planter le décor. J’allais voir défiler un paysage dépouillé, terne et austère. Quelques bâtiments se dressaient dans ce désert froid, comme des témoins d’une époque passée. C’est le gris qui domine, celui du béton brut.

Plus on s’approche du cœur de ville, plus on voit des signes de modernisation. Jusqu’à arriver à la destination finale, le mac donald. Situé sur la place centrale, il est le point de départ de la plupart des bus qui circulent dans la ville. L’emblème de la mondialisation, qui plus est Américain … Dans une république d’ex URSS, extrêmement conservatrice, je trouve ça assez symbolique.

La ville ne présente pas un intérêt énorme. On m’avait par exemple loué la cathédrale de Bagrati … Je l’ai trouvée assez commune et peu attrayante. Située sur les hauteurs de la ville, sa position lui offre néanmoins un beau panorama. Comme partout en Géorgie, l’offre hôtelière est très grande, variée et peu cher. Dans un pays qui a énormément souffert de l’effondrement de l’union soviétique, le tourisme est un élément important de l’économie.

En tant que Français, la vie en général y est très bon marché.

Après cette étape, j’ai continué mon chemin vers la capitale, Tbilissi. J’ai été agréablement surpris par cette dernière. Pendant un temps, la ville a été un point de passage majeur de la route de la soie, liaison entre Europe et Asie … Puis a vue défilée de nombreuses cultures, Perse, Turque, Azérie, Juive, Russe … Une diversité que l’on retrouve dans son architecture métissée.

J’aurai aimé me rendre en Azerbaïdjan, mais cela nécessitait une demande de visa en amont. Je me suis alors orienté vers l’Arménie … Mais les relations extrêmement tendues que ce pays entretient avec la Turquie, (et qui, au passage, est toujours en guerre avec l’Azerbaïdjan), empêchent quiconque de voyager entre les deux pays, puisque la frontière est complétement hermétique, j’aurai alors été obligé de rebrousser chemin vers Tbilissi. J’ai donc décidé sur un coup de tête, de partir directement en Turquie via Batoumi.

Je ne recommande à personne d’aller dans cette ville. Une sorte de Las Vegas de pacotille, où les palaces côtoient des immeubles vétustes, où la pauvreté s’exhibe devant les casinos … Une cité du vice, pour des Turques muselés par la politique rétrograde d’Erdogan (alcool, jeux, sexe … Interdit 25km plus loin).

Je suis ensuite passé en Turquie, sur les rives de la mer noire pour explorer la ville de Trabzon.

Ici, je ne vous donnerai pas de visites ou d’itinéraires touristiques, les sites et autres blogs voyages proposant cela, sont déjà assez nombreux. Je vais plutôt faire un retour d’expérience sur la Géorgie et tenter d’expliquer, pourquoi cela se solde par plus de négatif que de positif.

L’accueil qui m’a été réservé a été plus froid que le climat. Tout d’abord, je tiens à répéter (CF Article sur la Grèce), que les phrases du genre : « l’accueil Géorgien est extraordinaire » … peuvent être dite au sujet de tous les pays du monde, ça ne veut rien dire. C’est souvent des phrases qu’on retrouve dans des avis clients sur des chambres d’hôtes ou des auberges. Louer l’accueil chaleureux que l’on a reçu, alors qu’on a payé pour une prestation hôtelière, me parait complétement stupide. Bientôt on félicitera les gens polis et accueillant, comme si c’était quelque chose d’exceptionnel !

Je parle ici de l’accueil qui m’a été réservé par des citoyens lambda … Chauffeur de bus, vendeur de snack, serveuse de restaurant … Bref, ceux qui font le pays dans sa vie quotidienne et qui n’ont aucun lien, de quelque nature que ce soit avec moi. Même si c’est un échantillon de personne peu représentatif, c’est sur celui-ci que je vais me forger un début d’opinion (qui n’est jamais définitive et cloisonné, mais plus le reflet de ce que j’ai vécu à un moment M).

J’ai observé des comportements extrêmement communautaires, m’excluant donc de fait, avant même d’avoir tenté une approche. J’ai trouvé des personnes sur la défensive, fermées et peu ouvertes au dialogue. Quelques éléments de réponses :

  • Un pays encore extrêmement marqué par la chute de l’URSS. Qui ne s’en est toujours pas remis, tant économiquement, que territorialement. Effectivement, deux régions sur le territoire Georgien (Abkhazie et Ossétie du Sud), sont hors de contrôle et revendiquent leur indépendance. La communauté internationale fait la sourde oreille, les enjeux, et les liens qu’entretiennent ces deux régions séparatistes avec la Russie, font de cette situation une grenade, que personne n’a envie dégoupiller.
  • Un modèle soviétique extrêmement présent, dans la culture, les comportements et le mode de vie. Même si la Géorgie est indépendante, les liens qui la lie avec la Russie sont encore très fort (pour moi c’est un département Russe). La diaspora Russe est très présente et la langue est pratiquement parlée comme une langue officielle. D’ailleurs, lorsqu’en 2008, la Géorgie a tentée de reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud, la Russie a soutenu les dissidents, et a même envoyé des troupes armées. Comme une manière d’affirmer son pouvoir et de dire que tout cela n’est qu’un sursis.
  • Pour moi, la mentalité soviétique est fortement individualiste (on aura abouti à l’inverse du communisme), ethnocentriste et communautaire. Ce sont des sociétés patriarcales et religieuses. Les discours politiques et religieux sont extrêmement dogmatiques. Plus de 85% de la population est chrétienne orthodoxe, une branche très conservatrice du christianisme.

Toutes les raisons énoncées ci-dessus ne favorisent pas l’intégration de l’étranger et la variété culturelle.

Alors bien sûre et comme partout, avec l’émergence de internet et d’une culture « mondialisée », il existe une jeunesse avide de liberté, d’égalité et de découverte. Mais elle se retrouve sous la tutelle et l’influence de génération plus vielle et conservatrice. La crise migratoire actuelle ne fait qu’empirer les choses.

J’éprouve de la peine pour tous ces gens qui vivent dans un carcan. Enfermés dans une prison sans barreau, de laquelle il est pourtant si simple de sortir. Un geste de sympathie, un sourire … sont quelques clefs pour entrouvrir la porte. Ce constat est assez noir et n’est que le reflet global de ce que j’ai pu voir. Ce n’est pas une vérité générale. Tout le monde a sa singularité, et chacun est maître de sois même et de l’orientation qu’il veut donner à sa vie. Dans cette optique, je pense que rien ne peut justifier le communautarisme et le rejet de l’autre.  On n’incarne pas l’histoire de son pays, on est son présent. J’ai pu évoluer dans beaucoup de sociétés marquées par des dictatures récentes ou des génocides (Uruguay, Argentine, Vietnam, Cambodge, Guatemala …) et je n’ai jamais été accueilli avec autant de mépris et de dédain.

Pour conclure, je suis très content d’avoir fait ce voyage et d’avoir vu. Même si l’expérience se solde par plus de négatif que de positif, l’expérience était là. Et c’est bien ça l’important.