Escapinement en Baie de Somme

Escapinement : Nom Féminin désignant une escapade post isolement.

Je préfère le terme isolé plutôt que confiné. Ce dernier a une connotation trop négative. Comme maintenu dans un espace restreint contre son gré et acculé par un état dépressif croissant, presque neurasthénique.

Tout ça est bien loin de ce que j’ai vécu … Un isolement reposant, loin des codes sociaux imposés par la société et des intérêts feints.


Bref, à une période où nos déplacements étaient restreints à un rayon de 100km (désisolement certes, mais ce n’est pas la fête non plus. Il fallait des règles pour maintenir les esprits sous pression), nous avons choisi tout naturellement de nous tourner vers la mer. Quoi de mieux pour s’évader que d’aller sentir les embruns, et de se retrouver en face de cette immensité qui semble sans limites. Une chance parce que pour ça, les plages du nord n’ont pas leur pareil. Direction la baie de Somme, au lieu-dit de La Mollière.

Non loin de notre lieu de villégiature se trouvait la pointe du Hourdel … Véritable poulier de la baie, le lieu nous offre un panorama à presque 360 degrés sur une étendue de sable préservée. On a du mal à croire que la mer submerge le tout … Posté sur les galets, on observe le ballet des mouettes et surtout l’apathie des phoques. Ces mammifères marins étaient bien là, affalés sur ces bancs de sables, comme nous le sommes devant un bon épisode de Columbo. Il n’en fallait pas moins pour me ramener à mes souvenirs sud-américains … Tout ça, à moins de 100km de chez moi !


Dans ce coin-là, c’est principalement des plages de galets, à première vue, pas le meilleur ami du bronzeur et du farniente. Mais cette apparence rocailleuse contribue à repousser les hordes de touristes, ce qui permet une meilleure préservation de la faune et de la flore. Les dunes notamment sont un écosystème très fragile, extrêmement sujet à l’érosion et qui supporte très mal le piétinement. Je parle d’apparence puisque en réalité, les galets ne représentent qu’une faible partie du paysage. Des kilomètres de sable naissent au rythme de la marée …

Et lorsqu’elle est basse, c’est un immense terrain de jeu qui s’offre à vous. J’ai alors pu m’adonner à la pratique du disque-volant, aussi appelé frisbee pour les anglophones, cet objet de forme ronde et plate se prête à merveille à ce type de relief. Ou encore la pratique du skimboard, cette petite planche de bois destinée à surfer depuis la plage (d’où son nom, venu du verbe anglais « to skim » qui signifie écumer). Je passerai sous silence les parties de raquette de plage, tant le niveau de jeu était faible.


L’exploration de la zone nous emmena jusque les villes de Ault et du Tréport, petites stations balnéaires jadis prisées par la société mondaine, jusqu’à leurs destructions durant la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui elles présentent un charme désuet, comme les vestiges d’une France changeante. Loin des fastes d’autres villes côtières … J’apprécie la vérité et l’authenticité qui s’en dégage, presque aussi brut que leurs falaises ! Ces monuments naturels qui se dressent devant la mer, comme les premiers remparts faisant face à la houle. J’ai toujours aimé observer la mer agitée, les vagues qui se fracassent sur une digue ou sur la base de ces géants de craie.

Bien loin de ce tumulte naturel, protégée au cœur de la baie, nous sommes aussi passés par Saint Valery sur Somme. Une charmante petite cité médiévale très pittoresque, avec ses rues pavées et ses maisons semblant venir tout droit du temps des chevaliers. Dépaysant et surprenant. Selon le site internet éponyme (http://www.saint-valery-sur-somme.fr/cmsnim/indexdec.php?article=39), Charlemagne visita l’abbaye et créa un chantier de construction navale, Hugues Capet rapporta des reliques du village … On se croirait dans notre bon vieux livre d’histoire du collège, celui-ci même que nous ne feuilletions que sous le joug du professeur, sous la menace d’une interrogation surprise, alors que nous étions occupés à bavarder sur le supposé célibat d’Anaïs et le pull aux couleurs douteuses de Rémi. Des bons souvenirs 🙂

Blague à part, cet endroit est vraiment attrayant, l’atmosphère y est très détendue. J’ai particulièrement apprécié me balader le long du quai Jeanne d’Arc, avec d’un côté une Somme perplexe qui appréhende sa rencontre avec la très fréquentée et tourmentée Manche, et de l’autre côté, des bâtisses de styles différents … De la maison privée au manoir, en passant par des commerces, cette diversité est appréciable, et à l’instar des gros immeubles de plusieurs étages souvent parqués sur le front de mer, elle permet de respirer, et elle réussit l’exploit de faire de ce lieu fréquenté, un endroit intimiste.


Dans la continuité, cap sur la commune du Crotoy. Elle nous charme par ses longues plages de sables fins et son petit centre-ville aux couleurs pastel, qui rejoignent celles de l’horizon … Une petite station balnéaire somme toute classique, mais qui a su garder une architecture à taille humaine et une simplicité appréciable. Un accueil sans fioriture mais plein de bonhomie.

Dans toutes ces pérégrinations, nous sommes aussi passés par le Hâble d’Ault (non loin de Cayeux sur Mer), qui est une zone de halte migratoire pour des centaines d’espèces d’oiseaux. Un chemin aménagé avec des points de vue permet de la visiter.

A noter aussi notre passage à Cayeux sur Mer, à l’époque déserte, j’aurai bien vu cette petite ville dans un film de Ken Loach. Toujours dans la puissance de l’ordinaire et du quotidien, avec ces hommes et ces femmes souvent issu de la classe ouvrière, qui doivent faire face aux défis de notre époque. Comme lui, il se dégage de tous ces endroits beaucoup de force, de puissance et de vérité, mais aussi beaucoup de trésors cachés et d’émotions enfouies.

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