Le monde obscur des produits anti-moustiques
Le sujet que je m’apprête à traiter est sensible … Il revêt une importance capitale et devrait être la préoccupation de tous. Depuis des millénaires l’homme évolue en se posant des questions existentielles. Quel est le sens de la vie ? Sommes-nous les seuls dans l’univers ? Pourquoi quand on ouvre une boite de médicament, on tombe toujours du côté de la notice ?
Et bien aujourd’hui, je vais explorer le monde opaque des produits anti-moustique, et ensemble, nous allons tenter de répondre à cette grande question, quel est le meilleur répulsif ? C’est une pente glissante que j’emprunte ici, une réflexion qui pourrait me mener dans les geôles des prisons les plus sombres, où on pourrait me faire taire à jamais. Mais, pour vous, pour moi, pour le monde entier, je prends le risque de mener l’enquête au sein de ce marché nébuleux … Bienvenue dans … La guerre commerciale des anti-moustiques !
La volonté d’acheter un tel produit résulte d’un besoin de sécurité. Il s’agit de se défendre contre ces satanés culicidés (ou maringouins, appelez les comme vous voulez), qui nous rappellent que ce n’est pas la taille qui compte ! En 2017 et pour cette seule année, on dénombrait environ 219 millions de cas de paludisme, pour environ 435 000 décès … Ce sont surtout les enfants qui en meurent (70% des personnes qui décèdent ont moins de 5ans).
Près de la moitié de la population mondiale y est exposée … Pas celle qui a du pouvoir d’achat, l’autre. Tout rapprochement avec une maladie actuelle serait fortuit et serait de votre seul ressort. Sachez, qu’a l’heure où j’écris ces lignes, un nouveau vaccin mis au point par une équipe Anglo-Burkinabé s’est révélé efficace à 77%, ce qui est bien supérieur à tout ce que l’on a pu voir auparavant. Ce nouveau vaccin devrait entrer en phase de test à plus grande échelle incessamment sous peu. Dans le marasme actuel qu’est notre monde gangréné par les conflits d’intérêts, les rapports de forces et l’argent roi, quelques bonnes nouvelles se cachent. Comme pour trouver des cèpes dans une forêt domaniale de l’Essonne, il faut être à l’affut, sur le qui-vive, afin de les cueillir.
Dans notre quotidien, un produit de ce genre peut très vite se retrouver sur une liste de course, coincé entre les œufs et le produit vaisselle … Dans les grandes surfaces, l’offre est relativement réduite, seul quelques références sont disponibles, le choix pourra alors être influencé par tout l’arsenal marketing déployé par la marque, de son image au packaging. A y regarder de plus près, et ce même dans ces temples de la consommation, l’offre est pourtant assez diversifiée. On y retrouve généralement des produits pour zones tempérées, tropicales ou infestées, à destination de toute la famille ou spécifiquement pour les enfants. On pourrait alors s’en tenir à ces simples informations, et en choisir un, qui est en adéquation avec son périmètre géographique de voyage.
Cependant, il est intéressant d’aller un petit peu plus loin et de s’intéresser à leur composition. Pour faire simple, il existe les répulsifs chimiques et les répulsifs naturels. Ce sont les deux premières grandes catégories qui s’opposent. Ici, je me concentrerai sur les produits destinés à des applications cutanés. Afin d’être plus imagé, je vous donnerai à chaque fois 3 exemples.
Au sein de la première, on distingue 3 grands composants : le sacro-saint DEET (ou le N, N-diéthyl-3-méthylbenzamide), l’icaridine (ou Picaridine ou KBR 3023 ou encore hydroxyethyl isobutyl piperidine carboxylate) et l’IR3535 (ou butylacétylaminopropanoate d’éthyle ou butylacétylaminopropionate d’éthyle).
DEET, un leader contesté
Commençons par le DEET. Que vous pouvez retrouver dans la composition du spray insecte écran famille, moustidose lotion répulsive zone infestée ou encore le biovectrol tropique. Cet actif a été développé par les américains au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il est recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce qui en fait le leader incontesté, la médaille d’or, le chef de file. Avec la mention « recommandé par l’OMS », en bonne place sur le packaging (qui me rappelle la mention ridicule « vu à la TV », qui m’a toujours fait beaucoup rire).
Un argument choc, censé mettre un terme à toutes controverses. Utilisé un acronyme donne toujours un style un peu érudit. Etant donné que ma confiance dans l’OMS égale à peu près la confiance que j’ai en Jérôme Cahuzac, lorsque ce dernier entame sa fameuse tirade « je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant, ni avant … », je me suis posé quelques questions. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on trouve beaucoup d’articles qui se questionnent sur cette molécule.
Déjà, il s’agit de comprendre son fonctionnement. En gros, le principe actif fait dysfonctionner les récepteurs de CO2, situés dans le nez de l’insecte, que ce dernier utilise comme une sonde à la recherche de sang. Cela fonctionne donc par contact et non par odeur. Les Stix (moustique dans un langage argotique) peuvent donc toujours se poser sur vous, mais se retrouvent dans l’incapacité de vous piquer. Je trouve la promesse de base relativement prétentieuse. Celle de créer une pellicule de protection à la surface de la peau, au contact de laquelle les stix seraient complétement décontenancés et impuissants.
Je laisserai de côté les nombreuses accusations d’effets indésirables sur le système nerveux, pour me focaliser sur mes réflexions plus terre à terre. Je fais aussi l’impasse sur les décès ayant eu lieu après que la victime ait bu le liquide (même si l’idée d’un DEET grenadine parait séduisante au premier abord, une simple réflexion de quelques secondes devrait vous orienter vers un autre type de boisson, plus conventionnelle).
Je pense que n’importe quelle espèce vivant sur cette terre, fait preuve d’une capacité d’adaptation extraordinaire. Partant de ce postulat de départ, au regard de la popularité des produits contenant du DEET et de leur utilisation toujours croissante depuis des dizaines d’années, j’imagine que les insectes ont eu le temps de s’adapter et de trouver des façons de percer cette fine pellicule protectrice.
Aujourd’hui, au Canada, la concentration de DEET est limitée à 30%, pour des questions de santé publique. Chez nous, elle atteint souvent les 50%, « pour une efficacité optimale ». En fait, la concentration de principes actifs ne joue pas sur l’efficacité, mais sur la durée de vie de la solution sur notre peau. Plus la durée est longue, plus le message publicitaire sera probant et impactant. Il me semble aussi important de souligner le fait qu’il soit recommandé de ne pas appliquer de produits sur du verre, du plastique, du tissu … En raison de son risque corrosif. Le DEET agit comme un pesticide, mais il est toujours classé dans la catégorie cosmétique.
Je terminerai par cité une partie de l’étude présente dans un livre de Nathalie Boulanger et Ludovic de Gentile intitulé « Protection personelle antivectorielle ».
« L’application cutanée pendant 60 jours du DEET à des doses répulsives chez le rat montre que le DEET entraîne chez l’animal des lésions cérébrales, des anomalies physiologiques, pharmacologiques et comportementales ainsi qu’un déficit moteur, des dysfonctions d’apprentissage et une diminution des performances sensitivo-motrices. Il existe en outre une relation dose-effets et durée-effets (Abdel-Rahaman et al., 2001). Le DEET est également responsable d’une diminution de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (Abou-Donia et al., 2001). »
L‘icaridine, d’outsider à prétendant au titre ?
Passons désormais aux produits contenants de l’icaridine, comme l’apaisyl répulsif moustique haute protection et les sprays centaura ou moskito guard. Elle a été développée dans les années 90 par le mastodonte Bayer et les premiers répulsifs à base de cette molécule, apparaissent en Europe au début des années 2000. C’est donc beaucoup plus récent que le DEET. Dans la littérature, il apparait que son efficacité est similaire à celle préalablement citée.
Ce qui est pourtant très difficilement mesurable, puisque selon mon étude, les différents types de stix ne répondent pas de manière uniforme aux produits. Certains vont être plus ou moins sensibles. Je pense que c’est une notion extrêmement importante, qui doit rentrer en compte dans son processus de choix.
Sa configuration est proche du DEET, mais sa toxicité pour la peau est moindre. J’en veux pour preuve le tableau comparatif ci-dessous trouvé sur le site de sante publique France, dans une étude sur la toxicité des différentes molécules. A noter que l’icaridine est également approuvée par l’OMS.
En termes de fonctionnement, l’icaridine éloigne et dissuade les moskitosses, en formant une barrière de vapeur à la surface de la peau. Le procédé est donc bien différent, puisqu’ici, les nuisibles sont censés ne pas pouvoir se poser sur la surface cutanée. A noté que l’absorption du produit par la peau est évaluée de 2 à 4 % à partir d’une solution éthanolique à 15 %. Ce qui est relativement peu, par rapport à ce que j’ai pu voir concernant le DEET, qui pénètre énormément (presque 9% à partir d’une solution similaire). Le principe actif s’avère assez efficace (au moins similaire au DEET) contre le stix gambiae, qui est celui qui m’intéresse le plus, puisque le plus susceptible de me transmettre le palu ! L’icaridine m’apparait donc comme une alternative plus que crédible. Mais voyons ce que nous offre l’IR 3535.
IR3535, de bonne volonté, mais encore trop tendre …
Vous en trouverez dans le Cinq à Cinq tropic, Marie Rose repulsif et apaisant ou encore dans le spray Mouskito rebel.
L’IR3535 a été synthétisé en Allemagne par le laboratoire Merck. La même année, Eddy Merckx remporte son premier tour de France.
Il ne présente pas d’effet insecticide. Ce qui est pour le moins surprenant pour un produit de ce type. Toutes les données que j’ai trouvé sur la toxicité ou l’efficacité du produit, provenaient directement du groupe Merck lui-même. Ce qui pose, selon moi, un problème de conflit d’intérêt.
« Les données internes du groupe Merck™ sont présentées dans le Rapport du WHOPES sur l’IR3535® (WHOPES, 2006). Elles font référence à l’étude de terrain conduite au Libéria en 1996 visant à évaluer l’efficacité de l’IR3535® à la concentration de 25 % (0,6 mg/cm2). L’efficacité de l’IR3535® est évaluée à 92 % de réduction des piqûres. »
On apprend néanmoins que « l’inhalation durant 4 heures à la concentration de 5,1 g/m3 n’a entraîné aucune mortalité chez le rat », ce qui est plutôt une bonne nouvelle ! Merci aux rats qui ont contribués à cette étude. Dans le cadre de mes recherches, j’ai d’ailleurs retrouvé l’un d’entre eux. Afin de préserver son anonymat et pour lui éviter toutes représailles, je l’appellerai Joël. C’est à Filderstadt, dans la banlieue de Stuttgart, que j’ai rencontré ce pauvre rongeur. Joël a été beaucoup marqué par sa période de captivité au sein d’un laboratoire pharmaceutique. C’est avec beaucoup d’émotions qu’il est revenu sur son parcours …
Blague à part, cette molécule est très peu efficace sur le moustique Ae. Aegypti, vecteur de dengue, de zika, du chikungunya et de la fièvre jaune (voire même nulle sur une concentration à 7,5%). Ainsi qu’une efficacité assez faible sur le gambiae. Qui se serait « adapté » à la molécule et serait devenu plus tolérant … Tiens donc, mes interrogations sur le DEET et l’adaptabilité se confirment ici !
Pour finir
Ceci était un début de réflexion concernant les principaux produits anti moustiques chimiques. Il existe bien sûr des alternatives naturelles. Moi qui croyais que la citronnelle allait être beaucoup utilisée, la plupart des formules naturelles contiennent surtout de l’eucalyptus citronné (eucalyptus citriodora).
Pas mal d’huile essentielle permettent de lutter contre le petit chenapan ailé, citons pelle mêle l’huile essentielle de citronnelle, de géranium, de basilic, de menthe poivrée … Mais aussi des remède plus surprenant comme l’utilisation du clou de girofle, de l’ail ou encore du monoï. De tout ce que j’ai pu voir, le principal problème des remèdes naturels réside dans leur durée de vie sur la peau. Ce qui implique beaucoup d’application et induit donc une logistique plutôt compliquée.
En conclusion, j’ai un peu défriché le terrain mais il reste encore beaucoup de zones d’ombres. Comme je n’ai pas envie de passer ma vie à me questionner sur les répulsifs anti-moustiques, je m’arrêterai là.
En l’état, je pense utiliser majoritairement un répulsif à base d’icaridine (celui-ci de chez MoustiKologne me convient) aux heures les plus « dangereuses », à savoir très tôt le matin, en soirée et la nuit. Puis utiliser un répulsif naturel en journée. Toutes ces mesures, renforcées par une moustiquaire imprégnée et le port de vêtements couvrants, eux même imprégnés de solution prévu à cette effet. Ne partant pas avec une prophylaxie classique, à savoir le cachet de malarone à prendre tous les jours, j’essaye de mettre toutes les chances de mon côté, pour ne pas contracter de maladie via les moustiques.
Principales sources :
Protection personnelle anti vectorielle, chapitre 2, les répulsifs cutanés