Face à la rupture saoudienne, la France ne peut miser que sur le recouvrement de sa souveraineté nationale

L’Arabie Saoudite met fin au « pétrodollar » : un tournant majeur dans l’histoire économique ?

Le 9 juin 2024, l’Arabie saoudite a officiellement mis fin au système du pétrodollar vieux de 50 ans, rompant ainsi un pacte fondamental avec les États-Unis.

Pour bien comprendre l’importance de cette décision, revenons sur les origines de cet accord.

En 1971, le président Richard Nixon met fin à la convertibilité du dollar en or, marquant la fin du système de Bretton Woods et instaurant des taux de change flottants.

En 1973, la crise pétrolière éclate lorsque l’OPEP (Organisation des Pays Exportateur de Pétrole qui comprend officiellement l’Algérie, le Gabon, la Libye, le Nigéria, la Guinée Equatoriale, la République du Congo, le Venezuela, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Irak, l’Iran et le Koweit) impose un embargo pétrolier en réponse au soutien occidental à Israël pendant la guerre du Kippour.

Résultat, les prix du pétrole montent en flèche, provoquant une crise économique dans les pays importateurs de pétrole.

En 1974, le gouvernement américain convainc Riyad d’accepter le dollar comme seule monnaie de paiement pour ses exportations de pétrole, en échange de protection militaire et d’un approvisionnement garanti en armement. Cependant, pour être complet et factuel, bien que le dollar américain reste la monnaie prédominante pour ces transactions, des exceptions limitées existent où d’autres devises sont déjà utilisées, notamment l’euro, le yuan chinois et le yen japonais, dans le cadre d’accords bilatéraux spécifiques ou pour diversifier les risques financiers (nous y reviendrons plus tard).

Ce partenariat, bien que surprenant à première vue si on le regarde à travers le prisme du monde actuel, s’explique par la convergence d’intérêts géopolitiques et économiques de l’époque (les positions idéologiques et les intérêts divergents sont toujours relégués au second plan …). Effectivement, l’Arabie Saoudite avait besoin de sécurité (menace de l’Iran, instabilité dans un Moyen Orient post guerre du kipour, influence accrue de l’URSS, monarchie Saoudienne relativement vulnérable …) et de modernisation militaire, tandis que les États-Unis cherchaient à stabiliser le marché pétrolier et à renforcer le statut international du dollar.

Cette formule assurait au dollar US une demande perpétuelle, renforçant son positionnement en tant que monnaie de réserve mondiale.

Mais les récents revirements saoudiens, qui faisaient suite à des mésententes répétées avec Washington sur plusieurs dossiers internationaux, s’inscrivent dans un contexte plus large de redistribution des pouvoirs à l’échelle planétaire. La multipolarité économique s’affirme avec la montée en puissance des économies émergentes regroupées au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Cette alliance prône un ordre mondial moins unipolaire, contestant la domination occidentale héritée de l’après-guerre (les Etats-Unis bénéficiant ad vitam eternam du statut de sauveur du monde, en bon pompier pyromane …).

Un ordre qui perd de sa superbe, ses sanctions contre la Russie par exemple, n’ayant pas eu l’effet escompté (et oui, le projet de Bruno Lemaire n’a pas rencontré le succès qu’il lui avait prédit J).

L’hégémonie américano-européenne sur le monde est de plus en plus remise en cause. L’Occident ne fait désormais plus peur, les peuples s’organisent partout dans une riposte, qui se transforme parfois en une guerre presque frontale contre son influence. Le soutien mondial à la Russie (hors OTAN bien sûr) dans le conflit ukrainien en est l’illustration frappante, l’Occident s’isolant toujours plus sans même s’en rendre compte, englué dans ses dérives wokistes, sa soumission à l’Islam et son suicide « culturo-identitaro-civilisationnel » qui le rendent risible, voire même ridicule, aux yeux des autres nations.

L’influence grandissante de la Chine, première économie mondiale, se trouve au cœur de ces bouleversements géopolitiques. Pékin multiplie les accords commerciaux et les investissements à travers la planète, réduisant la dépendance de nombreux pays au dollar américain. En ce sens, les accords noués dès 2022 entre Pékin et Riyad, posaient déjà les jalons d’un rapprochement sino-saoudien que l’on voit se concrétiser et se renforcer aujourd’hui avec la rupture totale du système du pétrodollar.

Le yuan se positionne désormais comme une alternative plus que crédible aux côtés d’autres monnaies ou même des crypto-monnaies. Bien que l’euro soit une alternative crédible aussi, les facteurs économiques, géopolitiques et stratégiques rendent l’utilisation du yuan particulièrement attractive, surtout dans le contexte des relations croissantes avec la Chine et des pressions potentielles de leur part et de la Russie.

De plus, l’Union européenne étant inexorablement liée aux États-Unis sur le plan politique et économique, les ennemis de cette alliance, peuvent être particulièrement motivés à faire pression sur l’Arabie saoudite pour qu’elle évite l’euro et adopte plutôt le yuan ou une autre devise …

En rompant ses liens avec le pétrodollar, l’Arabie saoudite fait un choix lourd de conséquences pour l’équilibre géofinancier mondial, consciente que l’avenir se joue désormais du côté de nouvelles puissances montantes.

Un signal fort envoyé à un Occident vieillissant, en proie aux convulsions d’une classe gouvernante décadente, qui fera tout pour se maintenir au pouvoir, quitte à nous mener au chaos.

Le pétrodollar en crise : Trump ou une alternative conservatrice comme seule issue ?

La rupture historique de l’Arabie Saoudite avec le système du pétrodollar va engendrer un séisme sans précédent dans les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux. En permettant à d’autres devises de prendre le relais du dollar pour les transactions pétrolières, les monarchies du Golfe signent officiellement l’acte de naissance d’un monde multipolaire.

Ce bouleversement provoqué par la fin de ces accords devrait logiquement provoquer un affaiblissement durable du statut de monnaie de réserve du dollar, une hausse des taux d’intérêt et de l’inflation aux États-Unis, avec un risque élevé de récession qui se répercuterait sur l’économie mondiale.

Cependant, certains analystes considèrent qu’un gouvernement américain aux orientations résolument conservatrices, pourrait être mieux à même de juguler ces effets dévastateurs et d’éviter le chaos économique qui semble aujourd’hui se profiler.

En effet, par des réformes budgétaires drastiques, une politique monétaire rigoureuse et la promotion renouvelée des atouts compétitifs américains, notamment dans les secteurs de pointe high-tech, une administration conservatrice aurait les outils pour restaurer la crédibilité financière des États-Unis, stabiliser le dollar et préserver un environnement favorable aux entreprises.

Mais pour réellement regagner la confiance des partenaires économiques et commerciaux à l’international, un tel gouvernement devrait également réaffirmer une posture nettement plus protectionniste et nationaliste. En priorisant de manière résolue la défense de l’emploi et des entreprises américaines, en recentrant les chaînes d’approvisionnement stratégiques sur le sol américain, les États-Unis pourraient reprendre le contrôle de leur destin économique et affirmer leur souveraineté.

Cette voie suppose également de mettre un terme aux ingérences idéologiques et culturelles à l’étranger, ainsi qu’au jusqu’au-boutisme interventionniste qui a tant nui à l’image américaine ces dernières années. Un repli raisonné sur les priorités intérieures, un moindre interventionnisme militaire et une diplomatie pragmatique centrée sur la défense stricte des intérêts américains, seraient de nature à rassurer les autres puissances sur les réelles intentions de Washington.

Pour affronter la tempête qui s’annonce, la France doit retrouver sa souveraineté

Pour la France, déjà affaiblie, les conséquences pourraient extrêmement néfastes. L’envolée des prix de l’énergie et des importations en dollars fera exploser encore davantage l’inflation importée. Notre compétitivité sera durement mise à mal, nos déficits publics s’aggraveront.

Avec une dette publique de plus de 110% du PIB fin 2023 (INSEE), les conséquences de l’arrêt du système pétrodollar pourraient être une circonstance aggravante supplémentaire.

Si on regarde juste du côté de l’énergie, et plus précisément du pétrole, notre dépendance énergétique est proche de 100%. Aujourd’hui, plus de 90% de nos achats de pétrole brut sont réglées en dollars américains. De plus, près de 50% de nos pays fournisseurs de pétrole sont membres de l’OPEP (organisation officieusement dirigée par l’Arabie Saoudite) et on observe une hausse croissante des importations en provenance des Etats-Unis (conséquence directe de la guerre en Ukraine qui « profite » aux USA, la belle affaire …). Dans la même optique, les exportations vers l’UE de gaz naturel estampillé Oncle Sam, ont explosées (+140% déjà en 2022).

Avec la rupture des accords de 1974 actée, notre approvisionnement en or noir se trouve donc hautement menacé à double titre : par la dépréciation annoncée du dollar qui va faire augmenter la facture, mais aussi par la potentielle instrumentalisation de l’arme pétrolière par les pays de l’OPEP solidaires des Saoudiens.

Le tout avec des pressions russes (la vengeance est un plat qui se mange froid, comme on dit ; ils n’oublieront pas de sitôt les déclarations françaises et les sanctions historiques qu’ils se sont vu asséner…) et chinoises.

Notre déficit commercial abyssal se creusera donc davantage sous l’effet de l’envolée des importations en dollars. Nos déficits publics déjà record s’aggraveront dangereusement quand la spéculation sur les marchés fera fuir les capitaux et rendra le financement de la dette prohibitif. Face à ce risque de banqueroute, la crainte d’une nouvelle crise de la zone euro sera de plus en plus palpable.

Alors que la Chine deviendra la 1ère économie mondiale en 2030 (Natixis), notre rang de 7ème puissance stagnera au mieux selon le FMI.

Notre isolement sera d’autant plus criant que les investissements chinois se généraliseront et s’accélèreront en Afrique et au Moyen-Orient, régions stratégiques pour nos intérêts économiques et diplomatiques. Ces zones sont effectivement en passe de devenir largement hostile aux intérêts français et européens, sous l’effet conjugué de la défiance envers les anciennes puissances coloniales et de l’attractivité des nouvelles alternatives incarnées par la Chine et plus généralement par les BRICS.

De nombreux pays africains expriment en effet leur volonté de s’émanciper des systèmes de pouvoir hérités, souvent considérés comme des rémanences d’un néo-colonialisme plus ou moins masqué. L’enchaînement de scandales révélant l’ampleur de la corruption de certaines élites au service d’intérêts économiques occidentaux n’a fait qu’accélérer cette prise de conscience populaire. Et c’est plutôt positif, il faut que ces pays se développent (ce que des politiques occidentales de gauche progressiste ne permettent pas) et ça passe par un élan patriotique et souverainiste (lorsque l’on est souverainiste, on l’est pour tout le monde).

On a ainsi vu des mouvances citoyennes dans de nombreux pays africains, réclamer une véritable souveraineté économique et politique, en rupture avec les connivences des régimes en place avec les multinationales étrangères. La tentative de coup d’État militaire nigérien en 2024 illustre cet afflux de revendications anti-impérialistes sur le continent.

Dans ce contexte de défiance vis-à-vis de l’Occident, la Chine joue la carte de la “non-ingérence” et du “gagnant-gagnant” avec ses investissements massifs, notamment via les Nouvelles routes de la soie. Alliée à la Russie au sein des BRICS, Pékin propose un modèle de coopération respectueux des souverainetés nationales (en théorie …), là où Paris est perçue comme l’héritière d’un ordre contesté.

Alors que les rapports de force planétaires se recomposeront à notre désavantage, nous assisterons impuissants à l’essor des nouvelles puissances émergentes.

Dans ce contexte de tempête où notre indépendance économique et notre rang dans le monde seront menacés, le mirage d’une Europe fédérale relèverait du pur suicide national ! Croire que cette lourde construction politique permettrait de faire front, est une idée dangereuse. Au contraire, elle ne ferait que nous affaiblir davantage en diluant nos dernières forces (en plus de diluer notre identité et d’ouvrir toujours plus les portes à une immigration massive jusqu’à la submersion …).

Comment attendre une action rapide et déterminée d’un colosse paralysé par les égoïsmes nationaux divergents (l’Allemagne en tête de liste) et l’inefficacité (voire la corruption) chronique de ses pesantes institutions (souvent liées à des lobbies qui les dépasse…) ?

Abandonnée à ses bureaucrates déconnectés, la France perdrait jusqu’à sa voix et son âme, résignée à suivre le destin funeste d’une Amérique déclinante à laquelle nous resterions irrévocablement liés.

Attention car les jalons d’une Europe fédérale sont déjà posés ! Loin d’être un fantasme complotiste, ce projet centralisateur s’est nettement accéléré ces dernières années !

En 2022, la Commission européenne annonçait déjà son intention de renforcer les “compétences exclusives” de l’UE dans des domaines stratégiques comme la défense, la politique étrangère ou l’énergie (EurActiv). L’ambition d’une “souveraineté européenne” remplaçant les Etats-nations n’est plus un secret.

Mais au-delà des intentions, des réalités concrètes se mettent en place, sapant inexorablement nos derniers remparts nationaux. L’agence Frontex, originellement chargée de la surveillance des frontières extérieures, voit ainsi son mandat constamment élargi depuis 2019. Elle se transforme progressivement en une ONG pro-migrants agissant dans une idéologie d’extrême gauche presque “no border”.

Pendant ce temps, la Commission fait également pression pour transférer davantage de prérogatives budgétaires et fiscales à l’échelon européen. L’objectif d’un véritable “gouvernement économique” de l’UE concentrant les pouvoirs est désormais ouvertement revendiqué.

Seul le respect des souverainetés nationales permettra de relever les défis à venir. L’avenir de la France libre ne s’est jamais joué et ne se jouera jamais à Bruxelles.

Une politique nettement plus protectionniste et le rapatriement sur le sol national de certaines chaînes d’approvisionnement stratégiques devraient être une priorité. Nous reconquerrions ainsi des marges de manœuvre face aux tentatives d’intimidation ou de chantage économique de la part de rivaux comme la Chine par exemple.

Un recentrage sur la défense pragmatique de nos seuls intérêts nationaux semble vital !

De plus, la remise en cause de l’hégémonie occidentale pourrait également constituer une opportunité pour certains pays musulmans d’accroître leur rayonnement idéologique à l’international. L’Arabie saoudite, bien qu’hostile officiellement aux Frères musulmans qu’elle considère comme une organisation terroriste (alors qu’elle a pignon sur rue en France, avec notamment un centre de formation à Chateau Chinon …), cherche néanmoins à promouvoir son interprétation rigoriste de l’islam sunnite, le wahhabisme, à travers le monde. L’islam promu par les Frères Musulmans étant plus compatible avec la république …

En tirant parti de l’affaiblissement des puissances traditionnelles, Riyad pourrait accentuer ses efforts pour diffuser cette vision rigoriste de l’islam, mettant l’accent sur un monothéisme strict, une application littérale de la charia, et le rejet des “innovations” jugées contraires aux préceptes originels. L’Arabie saoudite dispose à cet égard de nombreux leviers d’influence, du financement de mosquées et d’écoles coraniques à l’envoi de prédicateurs formés au wahhabisme.

Si cette dynamique venait à s’amplifier, on pourrait assister à des tiraillements au sein même des communautés musulmanes en France et en Europe. Le repositionnement géopolitique en cours pourrait ainsi exacerber les défis déjà posés par une certaine fragmentation idéologique de l’islam en Occident.

C’est donc par un sursaut patriotique et la réaffirmation de notre souveraineté que nous pourrons relever la tête ! Forts de notre identité, de notre liberté d’action retrouvée et de nos atouts économiques encore préservés, nous serons à même de défendre nos intérêts avec honneur et vigueur.

Seule une nation unie autour de ses valeurs profondes et surtout pas dissoute dans le magma européiste, aura la détermination, l’agilité et la résilience nécessaire, pour se réinventer et s’imposer dans ce monde aux rapports de forces renouvelés.