Le flexitarisme – Un tour de pase-passe
Le suffixe “_isme”, sert à désigner des concepts nouveaux, dénués de verbe. Ici, il s’agit d’un régime alimentaire basé sur la flexibilité. Ces adeptes mangent de tout et en quantité raisonnable. On a donc mis un mot sur le régime alimentaire idéal. Hallelujah ! Mais alors qu’est ce qui cloche ? Beaucoup de choses. Derrière cette idée des plus attirantes, se cache une manipulation grossière.
En France, nous sommes des bons vivants, c’est connu … En étant professeur de Français langue étrangère, j’ai pu constater que le cliché du Français se promenant avec une baguette de pain sous le bras et une bouteille de vin rouge, était encore bien vivace. La cuisine traditionnelle Française ne comporte quasiment que des spécialités, à base ou contenant, des produits animaux, et notre histoire agricole fait partie de notre patrimoine depuis des millénaire. En 2016, 172 000 exploitations étaient consacrées à l’élevage, soit 39% du secteur, pour un total de 39 milliards d’euros (source agriculture.gouv).
Alors lorsque le secteur s’est vu menacé par la venue de nouveaux idéaux, qui accompagnent la prise de conscience écologique croissante depuis 2010. Cette dernière étant largement alimentée par internet (réseaux sociaux, plateformes de vidéos en ligne, sites d’informations dédiés …) et les nombreux documentaires ou films qu’on a vu fleurir sur le sujet, qui donnent une portée et un impact beaucoup plus grand à une pensée, jusque-là contrôlée et maitrisée par les médias traditionnels. On se dit qu’il y a urgence et qu’il faut réagir. Un fleuron et un acteur majeur de notre économie est en péril (à juste titre)… Il faut sauver le soldat viandard.
J’oriente ma réflexion principalement sur la viande, puisque dans le flexitarisme (qui est pourtant une manière globale de consommer), la communication n’est pas axée sur le fait de consommer plus de variété de légumes, de sensibiliser sur la saisonnalité, sur les marchés locaux, sur les légumineuses, les différentes sources de protéines … Non, c’est novateur, mais surtout pour la viande.
On peut voir tourner en boucle des publicités, dans lesquels être fléxitarien revient simplement à manger moins de viande, mais de meilleure qualité. Si on analyse bien, pour les distributeurs de ce secteur, c’est un deal gagnant – gagnant. Ça leur permet d’éliminer la concurrence étrangère, en la discréditant et en jouant sur le « made in France » comme gage de qualité, ce qui leur permet donc de promouvoir leur « filière premium », qui comportent bien sûr les produits les plus cher. Ça leur permet aussi de redorer leur image de méchants industriels, en faisant la promotion d’un mode de vie censé être bon pour la santé, éthique et qui va dans le sens de la prise de conscience citoyenne (renforce un sentiment de proximité qui en avait bien besoin). Pour finir, avec ce mode de consommation, ils se font les alliés des agriculteurs traditionnels, qui aiment leurs bêtes et qui les respectent.
Derrière ce mot, se cache aussi une volonté gouvernementale d’intervenir. Effectivement, le site internet dédié à ce mouvement (le simple fait de faire autant de promotion et d’avoir une couverture médiatique aussi grande, représente à mon sens, un problème d’ingérence dans la vie des Français et presque une injonction à suivre les directives) naturellement-flexitarien.fr, est sponsorisé par Interbev, qui est tout simplement l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Cependant, ils s’exonèrent de toutes responsabilités dans les mentions légales, déclarant notamment « INTERBEV ou ses entités affiliées ne sont ni représentantes ni garantes du caractère exhaustif et de l’exactitude de ces informations. Vous assumez pleinement les risques liés au crédit que vous leur accordez. ». Pour un site internet presque officiel, se faisant le porte-drapeau du mouvement, je trouve ça pour le moins intriguant. On l’a vu, le but est donc de continuer à vendre des produits d’origine animal, tout en légitimant leur consommation en apportant des arguments fallacieux, centrés autour de la qualité, l’origine, l’éthique … Bref, des valeurs qui visent aussi et surtout à déculpabiliser l’acheteur. Cette notion est prépondérante dans cet objectif de réhabilitation du secteur.
Mais tout d’abord, il faut créer un archétype sympathique. Dans un paysage médiatique Français qui ne fonctionne que sur la construction de personnages archétypaux, c’est le béaba. A grand coup de campagne publicitaire sur les différents médias, d’avis d’expert, de marketing digital, de PLV … Tout est bon pour faire du flexitarien une personne agréable, en bonne santé, sensibilisée, avertie, modérée … Quelqu’un comme vous et moi, bien dans sa tête et dans son corps (exemple de publicité ici). Pour l’image, c’est ni plus ni moins que du greenwashing [« procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse »]. Le sujet a déjà été traité ici par exemple.
Pour le reste c’est bien plus perfide et sournois. Cette campagne contribue à la désinformation générale et organisée sur l’alimentation, au profit des acteurs majeurs du secteur. Il s’agit donc clairement de propagande. Ce que je démontre ici est de notoriété publique. Si on s’y intéresse un tant soit peu, ça n’est même pas caché. Et c’est bien ça le plus grave ! Au fil du temps, on a réussi à nous faire croire que la manipulation, la propagande et l’orientation de l’information en fonction d’intérêts divers, étaient la normalité ! La société fonctionne ainsi et ça ne choc plus. A vrai dire on ne se questionne plus et on ne remet plus rien en question (et quand on le fait, il s’agit plus d’une auto critique que d’une remise en question du système).
La tromperie débute dès le berceau, on nous apprend par exemple, que pour avoir des os solides, il faut manger des produits laitiers, pour avoir du muscle, il faut manger du muscle animal … Et tout un tas de contres vérités, sans jamais apporter d’alternatives et de réelle éducation à l’alimentation neutre et sans parti pris par exemple. Le système et ses modes de consommations, sont profondément immuables et il faut défendre ça à tout prix, au détriment du consommateur.
Cet article de mediapart dépeint les dessous de la semaine du goût, évènement désormais récurrent au sein de nos écoles. Ou comment éduquer les enfants et donc futurs consommateurs, au goût industriel, et bien sûr à la viande ! Les enfants d’aujourd’hui, sont les fléxitariens de demain J. Il ne s’agit pas ici de mettre au grand jour des complots faciles pour briller en société. Mais juste de démontrer, que n’importe quel marché, n’importe quel produit, n’importe quel évènement, est aujourd’hui sujet à controverse, pris dans les turpitudes des intérêts économiques, des conflits d’intérêts, des lobbyings, des multinationales …
Sous couvert de bonnes intentions et de pseudo progressisme, la manipulation est la même tout le temps et à toutes les époques. Elle change juste de forme et s’adapte aux changements générationnels. Par rapport à la période actuelle, je ne vois pas pourquoi l’industrie pharmaceutique échapperait à cette logique (documentaire arte, Big Pharma labo tout-puissants).
Ce qui est très intéressant aussi avec cette notion de mesure qui s’oppose aux extrêmes, c’est les mots utilisés. Dans n’importe quelle stratégie de manipulation, la sémantique revêt une importance capitale et une portée, selon moi, très sous-estimée. Pourtant, c’est elle qui permet des changements de société profonds et durables. Je pense que notre manière de choisir nos mots pour désigner quelque chose, influent sur notre perception, en positif ou en négatif, de cette dite chose. Pour, à terme, revêtir cette valeur morale associée (bonne ou mauvaise donc).
Par exemple, on ne dit plus « plan de licenciement », mais « plan social ». Le premier porte une connotation négative (précarisation, destruction, marginalisation), tandis que le deuxième est plutôt positif (sauvegarde, bonne volonté, conservation, aide). Ici dans le flexitarisme, les maîtres mots sont la flexibilité, la modération, l’équilibre, la qualité … Bref, un champ lexical qui s’oppose de fait, aux extrêmes.
Le système dans sa totalité est tellement gangréné par la corruption, les conflits d’intérêts, les lobbyings de tous les secteurs … Que même un politicien de bonne volonté ne pourrait rien faire, tellement il se retrouverait pieds et poings liés par ces différentes parties prenantes.
Aujourd’hui, plus de mensonges, plus de tromperie … Mais du marketing, du “branding” et de la communication fallacieuse. Tout, absolument tout peut être remis en question. La législation est faite pour qu’on puisse la contourner, elle est faite en concertation avec les poids lourds du secteur (des exemples parmi tant d’autres, la mention “élevé en plein air” sur les œufs est trompeuse, il suffit de quelques ouvertures sur l’extérieur pour dire que les poules y ont accès, les tisanes dites “detox”, “ventre plat”, “brule graisse” ou je ne sais quelles autres vertus, c’est du marketing, du vent, enfin … de la tromperie légale).
N’importe quelle publicité est partiellement ou totalement mensongère… Bienvenue dans le truman show, où tout est faux.
Alors qui nous dirige ? Est ce que tout cela est dans notre intérêt ? Comment croire aujourd’hui à un système qui nous tue tous les jours, qui ruine tout sur son passage, sans aucune considération pour le bien être humain et/ou animal ? Comme dirait JP Fanguin, je pense que la question elle est vite répondue.
Pour terminer, je vous conseille d’aller lire cet article sur le veganisme, qui est très complémentaire.