Chasse et nature : une paire oppositionnelle ?

1 – De la prédation naturelle à la chasse

En zoologie, nous définissons la chasse sous deux angles : la prédation  (prendre en chasse une proie pour manger) et la préservation d’un territoire (chasser un étranger, un parasite ou un prédateur nuisible de son terrier, nid…etc). Elle est donc en ces sens, une part essentielle de l’existence de tout organisme vivant, des bactéries jusqu’aux lions.

Pour aller même plus loin, on pourrait ajouter que les incroyables spécificités physiologiques et cognitives des espèces n’existeraient sûrement pas si le phénomène de « chasse » n’était pas de ce monde. Parce-que manger ou simplement protéger son territoire et ses progénitures de visiteurs malintentionnés est une question de survie, l’évolution a fait des espèces de véritables machines biologiques sophistiquées et bougrement fascinantes.

L’incroyable vélocité du guépard, la force herculéenne de la crevette-pistolet, la minutie mathématico-géométrique de l’araignée, le flair tridimensionnel du requin-marteau…Tous ces supers-pouvoirs sont conférés au nom de la prédation et donc de la survie.

Les « prédatés » ne sont d’ailleurs pas en reste, et les stratégies d’adaptation génétiques face à la pression des prédateurs sont tout aussi nombreuses (camouflage, sécrétion toxique, vitesse de fuite, communication élaborée, carapace, utilisation de méta-outil…etc).

Il est inconcevable de percevoir autrement l’équilibre naturel qu’en des rapports de prédation. C’est la clé de tout écosystème. Alors, on comprend ô combien il est difficile de dissocier la chasse de la nature, du moins si nous la pensons exclusivement en les termes évoqués précédemment.

Le problème qui est le nôtre, est de traiter de l’identité de l’homo sapiens du 21eme siècle comme un prédateur naturel. Et parce que notre espèce, en cette ère sombre de l’industrialisation intensive et du capitalisme, est totalement coupée (physiquement et psychologiquement) de son milieu naturel, il devient difficile de penser la légitimité de son rapport à la chasse.

Qu’est-ce que la chasse par l’homme aujourd’hui? Peut-elle encore se définir d’après les deux angles cités plus haut ?  La chasse regroupe  d’ailleurs aujourd’hui une grande diversité de pratiques pour une multitude d’intentions. Et cette pluralité des pratiques, rend la chasse d’autant plus  « contre-nature » et moralement discutable (piégeage des oiseaux à la glue, déterrage des blaireaux et des renards, chasse à courre, trafique de fourrure…).

2 – La chasse comme « nature » de l’homme ?

« L’homme est un chasseur-cueilleur, la chasse a toujours fait partie de notre histoire » acclament nos fameux adeptes du fusil. Une assertion bien facile qui mériterait un brin de rafraichissement des données.

Lors de fouilles archéologiques réalisées sur le site de Gesher Benot Ya’aqov, situé au nord de la vallée du Jourdain, plusieurs traces d’herbes et fruits comestibles ont ainsi été retrouvées datant d’il y a environ 750 000 ans. Ces restes, parmi lesquels on a pu recenser près de 55 espèces différentes de végétaux, prouvent qu’au sein des sociétés paléolithiques, les repas étaient bien plus végétalisés et équilibrés qu’on ne le pense.

L’importance de la viande dans le régime alimentaire préhistorique avait jusqu’alors été surestimée par les archéologues, pour la simple et bonne raison que les squelettes d’animaux sont mieux préservés que n’importe quel reste de plante. Mais les technologies contemporaines ont permis de nouvelles découvertes et interprétations sur la fameuse histoire du chasseur-cueilleur.

Nous étions des omnivores opportunistes. Majoritairement frugivores, parfois charognards et rarement chasseurs. La chasse comme prédation n’est donc pas la « nature » de l’homo-sapiens, mais bien une stratégie d’adaptation aux milieux pauvres en végétaux comestibles.

D’ailleurs, qu’est ce qui physiologiquement peut nous rapprocher des mammifères prédateurs ? Nous n’avons ni griffes, ni crocs, et notre mâchoire n’est pas du tout adaptée pour déchiqueter des tissus musculaires en grande quantité. Nous avons d’ailleurs dû pour cela utiliser des « méta-outil », comme des silex ou morceaux de bois pointus afin de découper la viande et la manger. Notre intestin est de même beaucoup trop long pour faire circuler de la chair animale quotidiennement, risquant ainsi de créer des fermentations toxiques, ballonnements et douleurs abdominales. Bref, nous n’avons jamais eu une nature de prédateur.

Nos facultés cognitives et notre incroyable capacité à produire de la « culture générative » nous ont permis d’élaborer des outils et techniques de chasses permettant notre survie dans des conditions climatiques délétères où peu de végétaux étaient disponibles. Mais cette adaptation alimentaire qui caractérise les omnivores que nous sommes, ne légitime en rien cette représentation de la chasse comme nature et histoire de l’être humain.

Cependant, si la chasse fut nécessaire dans les régions froides, on se doute que les populations enracinées à ces milieux aient développé une culture alimentaire basée sur la consommation d’animaux afin d’ingérer la quantité de calorie suffisante à la survie face à de basses températures. Nous pouvons prendre ainsi l’exemple des Inuits et de leur chasse traditionnelle observée au Canada, en Alaska, en Russie ou encore au Groenland. Cette chasse détient un rôle de subsistance, et se pratique dans un respect quasi religieux envers l’animal.

En effet, selon les croyances chamaniques, l’animal est considéré comme une personne à part entière, un être pensant, libre ou non de s’offrir et qui peut se réincarner. C’est donc par respect pour ces animaux que les Inuits vont appliquer certains codes de bonne conduite, tels : remercier l’animal chassé, ne pas faire souffrir l’animal inutilement, utiliser l’ensemble des composantes de l’animal abattu, confectionner des vêtements avec leur peau et ne pas poursuivre un animal qui, selon eux, aurait « décidé de ne pas s’offrir ». Vouloir transformer le régime alimentaire des Inuits et perturber ainsi leur rapport à la chasse a drastiquement influencé leur taux de mortalité.

L’importation d’aliments industriels transformés, de viandes issues d’élevage, et d’alcool ont fait monté en flèche divers problèmes de santé, tels que le diabète et le cholestérol. Autrement dit, l’arrivée du mode de vie occidental fût dévastatrice sur le plan sanitaire et social dans ces cultures traditionnelles et proches de la nature. De plus, la chasse qui avait un rôle de subsistance, devient désormais une activité commerciale intense avec le commerce de la fourrure.

On comprend dès lors, que la chasse n’est pas une « nature » chez l’homme, car il n’est en rien, sur le plan de la génétique, un mammifère prédateur. Néanmoins, son mode alimentaire opportuniste propre à l’omnivorisme (peut manger de tout en fonction des ressources), peut amener certaines populations humaines à perpétuer la pratique de la chasse comme moyen de subsistance, quand d’autres populations dans les milieux tempérés peuvent pratiquer l’agriculture.

Il s’agit donc d’une chasse légitime et même préférable au mode de consommation occidental basé sur une industrie agro-alimentaire toxique et polluante. Chasse et nature peuvent donc en cette exception se concilier. Cependant nous constatons aujourd’hui les dérives malheureuses de cette chasse qui répond plus à des enjeux économiques que vitaux.

3 – Le sacro-saint principe de régulation

Si nous avions évoqué la chasse en milieux froids, nous pouvons désormais nous pencher sur la chasse en zones tempérées, et plus particulièrement celle exercée en France.

  • L’APPROPRIATION ILLÉGITIME DE LA NATURE

Avant toute chose, il est surprenant de constater en France, l’appropriation des campagnes et des animaux par les chasseurs, comme s’ils étaient les détenteurs privilégiés de la nature. Certaines parts de foret se voient assignées le panneau « chasse privée » comme si l’exercice de la chasse suffisait à privatiser un espace naturel. La raison est qu’en France, la chasse a juridiquement une dimension d’appropriation d’animaux sans propriétaires légaux, par un individu ou un groupe d’individus (les chasseurs).

C’est le fameux principe du « Res nullius » : ce qui n’appartient à personne peut m’appartenir de droit sous certaines conditions. Ce qui est problématique, à mon sens, c’est que cette conception juridique et moyenâgeuse de la chasse se fonde sur la représentation de l’ « animal-objet ». L’animal comme objet peut ainsi se comprendre comme un « bien » pouvant appartenir ou non à un individu, expliquant l’appropriation des animaux sauvages par les chasseurs. Or, le 28 janvier 2015, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi relatif à la modernisation du droit. L’animal, étant désormais reconnu comme un « être vivant doué de sensibilité » dans le Code civil (article 515-14) n’est plus considéré comme un bien meuble.

Un tournant historique bien joli mais quelque peu hypocrite. En effet, cette loi de vitrine, concerne principalement les animaux domestiques, omettant bien sûr les animaux d’élevage et pire encore les animaux sauvages. Il est donc encore possible de passer outre la valeur intrinsèque de l’animal comme « être vivant » et le considérer comme un objet de possession à tirer, piéger, ou égorger, en fonction des plaisirs de certains.

Cette parenthèse désormais fermée, bien que demeurant problématique quant à l’enculerie des décisions législatives vis-à-vis des animaux, nous pouvons aborder le rôle (officiel) de la chasse en France et en Europe. Bien loin des nécessités triviales de subsistance, la chasse a évolué dans ses intentions en plusieurs siècles. D’un plaisir de gentilhomme comme privilège seigneurial du moyen-âge jusqu’au 18ème siècle, la chasse est devenue un outil de régulation des espèces animales dans les milieux ruraux (la campagne étant cette fragile jonction entre le monde humain et le monde sauvage).

  • LES FINALITÉS ARBITRAIRES DE LA RÉGULATION

Les chasseurs se sont autoproclamés comme seuls capables d’intervenir dans les processus de régulation de la faune sauvage, et par cette divine mission à accomplir, sont devenus “les premiers écologistes de France”.

Une auto proclamation qui aurait pu être dans une autre vie légitime, si tant est qu’on puisse prouver un désordre chaotique dans la nature et les lois du vivant. Vous en conviendrez que la réalité est tout autre. Qui n’a jamais entendu cette expression disant « la nature est bien faite » ? La nature est bien faite, oui. Et l’ordre qui l’anime, dans son infinie complexité échappe encore aux pulsions rationnalisantes de nos facultés d’entendements limitées. Et si seulement il s’agissait de scientifiques biologistes ou éthologues qui se chargeaient de « contrôler » l’évolution des démographies animales, on y trouverait peut-être un peu plus de cohérence et de logique.

Seulement en France, cette responsabilité écosystémique est conférée à des individus lambdas, souvent peu éduqués en matière de sciences naturelles. C’est pourquoi aujourd’hui nous sommes face à des aberrations méthodologiques en matière de « régulation ». Prenons le cas de l’extermination pure et simple des prédateurs en France.  Les ours, loups, lynx, renards, belettes, en plus d’être des maillons indispensable à l’équilibre des écosystèmes, souffrent d’une pression de chasse abominable qui a poussé pour les trois premiers à leur quasi-extinction sur le territoire français.

Les deux arguments principaux des chasseurs sont les suivants : Premièrement, les prédateurs mangent trop de ceci ou trop de cela (le renard mangerait trop de perdrix et le loup mangerait trop de lièvres par exemple). Nous répondrons simplement que tout prédateur est un opportuniste et qu’il est dans l’ordre des choses, si l’occasion se présente, qu’un renard s’attaque à une perdrix égarée. De là à prétendre que ces prédateurs en font une consommation exclusive et exagérée, c’est totalement imbécile. Pour la raison simple que si les prédateurs devaient à la fois être trop spécialisés et sur consommateurs, il y a bien longtemps qu’ils auraient disparu faute de proie.

En réalité, nous sommes face à une volonté des chasseurs  d’exclure toute concurrence possible dans la pratique de la prédation spécialisée. Si je veux pouvoir tirer un maximum de perdrix, il faut que je tire ceux qui sont susceptibles de les chasser à ma place. Cependant, cette concurrence n’est pas naturelle puisqu’il ne s’agit pas ici d’une lutte de subsistance.

Le deuxième argument concerne les dégats occasionnés par les prédateurs sur certains animaux d’élevage. Ce point est facilement démontable si l’on décentre les intérêts égoïstes humains à l’intérêt global de la nature. L’élevage est-il encore aujourd’hui d’une nécessité vitale ? La réponse est « non ». La vie d’un de nos voisins animaux possède-t-elle plus de valeur dans l’équilibre naturel des écosystèmes ? La réponse est « oui ».

De plus, à force de prétendre être l’espèce « élue » et donc plus intelligente que les autres, prouvons notre magistrale ingéniosité en trouvant des alternatives raisonnables au massacre.  Tout troupeau peut être protégé à l’aide de chiens (patous, border collie…etc) ou de clôtures spécialisées.

D’ailleurs, la Suisse et son canton de Genève en sont un parfait exemple, puisque dans ce dernier, la chasse est interdite depuis près de 40ans. Si encore quelques agriculteurs râlent après les rares passages de sangliers, on constate une concorde absolument magnifique sur ce petit bout de territoire. La faune est riche, vivante, foisonnante et séduit les promeneurs. Aucun dégât n’est relevé de la part des oiseaux, des chevreuils des renards, des lièvres ou des lapins.

  • NUISIBLES POUR QUI ?

Il demeure néanmoins en France quelques « arguments » qui vont à l’encontre de cette abolition définitive de la chasse. Le premier qui revient est, dégâts des sangliers mis de côté, celui de la destruction des jeunes arbrisseaux par les cervidés dans les exploitations forestières. Cet argument ne tient pas, puisque la chasse aux cervidés est autorisée partout sur le territoire, même dans les espaces forestiers non-exploités. De plus, nous sommes là encore dans un rapport concurrentiel déloyal avec nos compagnons du vivant. L’être humain s’accapare les arbres des forets comme un business, et supprime ceux qui ont le malheur d’affecter la rentabilité de ce commerce. Chasser le cerf n’est donc pas conciliable avec la nature, puisque les prémisses et finalités de cette chasse sont purement et simplement anthropocentrées.

On pourrait également nous préoccuper du sort réservé aux blaireaux et aux renards en France, dont le taux de mortalité est à 60% dû à l’activité des chasseurs. Ces deux espèces n’ont pourtant aucune raison d’être classées comme des nuisibles. Le blaireau est un mammifère pataud et discret, ayant certes, parfois le malheur de grignoter quelques raisins dans les vignes. Tel est le seul crime du petit « clown des forets ». Et pourtant, ce dernier se voit persécuté jusqu’à son terrier, déterré cruellement avec des pinces métalliques jusqu’à son exécution finale. Le même sort est réservé aux renards, où toute une famille peut se retrouver massacrée jusqu’au dernier renardeau.

Mais que reproche-t-on « encore » au renard ? Depuis 2001, les renards ne sont plus porteurs de la rage (et ce, non pas grâce à la chasse mais à une campagne de vaccination) mais sont néanmoins toujours classés comme des nuisibles. Si les dégâts réalisés dans les poulaillers ou sur les populations de perdrix ne sont pas valables (comme nous avons pu le démontrer précédemment), plus complexe est l’argument de l’échinococcose. L’échinococcose est une zoonose provoquée par un parasite particulièrement dangereux pour l’homme et inoffensif pour la plupart des canidés, d’où son affection pour les intestins du renard qui est un hôte des plus parfait et compatible.

Les scientifiques ont ainsi décidé de considérer le renard comme l’espèce animale sentinelle de choix pour détecter la présence du parasite sur un secteur et suivre son évolution dans le temps. Cette campagne de cartographication du parasite, mené par l’ELIZ (L’Entente de Lutte Interdépartementale contre les Zoonoses), a entrainé l’abattage de centaines de milliers de renards en France entre 2015 et 2018. Un chiffre mortifère quand on sait que le renard n’est pas le seul porteur possible du parasite (les chiens domestiques le sont également et peuvent répandre à leur tour le parasite avec leur excréments). De plus, les cas d’echinococcose chez l’être humain sont rarissimes, avec pas plus de 15 à 20 nouveaux cas par an en France. 607 cas en tout entre 1982 et 2014. On est loin d’un fléau catastrophique qui décimerait la population humaine, d’autant que, si les médecins (particulièrement les médecins de campagne) étaient plus avertis de cette maladie, les diagnostiques se feraient beaucoup plus rapidement, et le nombre de cas mortels diminuerait drastiquement.

Au lieu d’informer, d’éduquer et de prendre des précautions proportionnées et adéquates au problème, on confit ce dernier aux chasseurs. Ainsi s’en vont-ils persécuter les populations de renard, qui de ce fait, ne se voient pas d’autre choix que de toujours migrer vers d’autres territoires en quête de tranquillité. Ce déplacement entraine alors la propagation du parasite sur tout le territoire Français. La chasse n’est donc pas un moyen de freiner la propagation de l’échinococcose, bien au contraire.

Nous constatons donc que la vie sans chasse est possible, voir même, moralement préférable. D’ailleurs, la première phrase que vous lirez sur la page d’accueil du site https://www.chasseurdefrance.com/ est « De nos jours, chasser ne s’impose plus et pourtant, chaque année, la France compte 20 000 nouveaux chasseurs issus de toutes les strates sociales. ». Aussi risible que contradictoire, cette phrase démontrent en quelques mots que la chasse n’est plus utile de nos jours, qu’elle n’est plus vitale et donc « accessoire ». Et malgré cela en France, 1,1 millions de pleutres armés continuent de parcourir nos campagnes en la dépouillant de ce qui fait sa plus grande richesse : sa biodiversité. La faune disparait, se déséquilibre, se fragilise, mais laisse place à 3,6 milliards de chiffre d’affaire dans les poches d’une fédération qui n’a rien à voir avec une association écologique.

Ainsi nous nous pencherons désormais sur les intentions réelles et égoïstes de la chasse ainsi que le rapport psychopathologique entre les chasseurs et la nature, en montrant que cette « passion » qui les anime dans leur pratique n’est rien de plus qu’une pulsion violente générée par un esprit « malade ».

4 – Le nouvel Eros et Thanatos « je t’aime, donc je te tue »

N’étant pas des prédateurs par nature, on constate que les enfants n’ont pas l’envie naturelle de tuer les animaux. Il n’y a pas d’instinct de chasse chez l’être humain. Nos facultés émotionnelles permettant l’empathie, nous privent de l’envie de tuer un compagnon du vivant tant que cela n’est pas nécessaire sur le plan vital.

D’ailleurs, les enfants sont la plupart du temps fascinés voir passionnés par les animaux. Ils veulent les toucher, les caresser, leur faire des câlins, etc. Seuls les très jeunes enfants (moins de 3ans) peuvent être brutaux avec des animaux. Mais ceci n’est pas dérivé d’une envie de tuer ou de faire du mal. C’est un mélange entre curiosité et volonté de jouer.

C’est aussi pourquoi un chiot mordille de ses petites dents pointues sa mère et ses frères et sœurs, sans pour autant avoir l’envie consciente et malveillante de blesser. Nous sommes donc dans le cadre d’une maladresse infantile normale, où le jeune explore sa force et ses capacités d’action sur les autres. Néanmoins, un enfant qui, au-delà de 3ans, persiste à entretenir un comportement mesquin et brutal avec des animaux, démontre un quotient empathique anormalement faible, affectant généralement son rapport avec les autres enfants de son âge.

Cette parenthèse sur l’enfance, tend à prouver que la « passion » décrite par les chasseurs dans leur activité n’est humainement pas « normale », puisque qu’une capacité empathique suffisante empêcherait cette pratique et plus encore d’y trouver du plaisir. La sémantique est d’ailleurs effrayante, puisqu’on peut entendre les mots « passion, amour, respect, harmonie… », alors qu’il s’agit en réalité de mises à mort  froides et systématiques, sans raison vitale. La fédération n’utilise d’ailleurs jamais le terme « tuer », préférant celui de « prélever ».

Voilà un euphémisme des plus singuliers, bloquant toute réflexivité morale dans le cerveau de ces individus. En effet, on sait inconsciemment que le concept « tuer » est éthiquement problématique et condamnable. Il serait d’ailleurs cognitivement inconfortable de s’avouer « tuer » des êtres vivants dans le cadre de son loisir préféré. En revanche, avec le concept « prélever », c’est différent ! Enfin…différent dans la forme.

Il est psychologiquement plus supportable de « prélever » que de « tuer », même si l’action implicite reste exactement la même. On comprend donc l’importance considérable et manipulatrice de la sémantique dans ce genre de pratique. Un simple concept substitué à un autre peut anesthésier tout un cerveau dans ses capacités empathiques et émotionnelles.

Cependant, il serait un brin naïf de nous en tenir à l’idée que le manque de réflexivité empathique des chasseurs pour leur activité réside en un simple changement conceptuel. De multiples exemples prouvent l’aspect frénétique et obsessionnel de leur volonté de tuer, comme de très nombreuses vidéos ou des témoignages accablants de promeneurs ou militants pour la protection des animaux sauvages. Les cris acharnés des chasseurs pendant la mise à mort d’un cerf lors d’une « grande vènerie », suivis d’une espèce de jouissance effrayante au moment de l’égorgement du pauvre animal, prouvent un rapport à la vie et à la mort, symptomatique. Les photos prises des chasseurs posant fièrement, fusil en main,  devant des cadavres encore chauds en guise de trophées, sont là encore la preuve d’un dysfonctionnement émotionnel, jamais perçu au sein d’autres espèces animales.

Par ailleurs, le lâchage de perdrix d’élevage devant les fusils, prouve sans conteste le « plaisir »  neuro-effectif des chasseurs dans l’action d’abattre des êtres vivants. La chasse en enclos est également une occurrence des plus parlantes, concernant de la dimension « jouissive » de l’action d’ « abattre ». Et nous sommes loin, ici, des possibilités d’excuses fallacieuses telles que la régulation de la faune sauvage…

On peut ainsi se permettre de penser un profil psychopathique des chasseurs, en raison des comorbidités entre leur pratique et les symptômes classiques de la psychopathie, telle qu’elle est décrite dans le DSM-V. La psychopathie se caractérise donc, entre autre, par :

1) un refus catégorique d’accepter la réalité.

2) la capacité à tenir des propos incohérents et contradictoires

3) une complaisance dans un monde factice où l’on peut se sentir tout puissant.

4) une banalisation de la mort avec suppression partielle ou totale de l’empathie et du processus d’auto-culpabilisation

5) des pulsions frénétiques de violence et de meurtres.

Nous pouvons attribuer aisément ces cinq signes cliniques aux personnes pratiquant la chasse de manière régulière et passionnée (les personnes assistant très occasionnellement à une chasse peuvent ne pas être concernés).

En effet :

1) les chasseurs refusent d’accepter la réalité scientifique de la fragilité des écosystèmes et de l’inefficacité de l’action humaine dans un processus de régulation non-anthropocentrée.

2) Les chasseurs sont capables, entre autres,  d’affirmer qu’il faut réguler les espèces animales sur un territoire donné, alors qu’ils affirment en retour devoir favoriser leur extension par le biais de nourrissages, plans de chasse, ou lâchages d’animaux d’élevage.

3) Les chasseurs se représentent narcissiquement une nature qui a besoin d’eux pour s’épanouir, une nature où les animaux ne sont que des bestioles insensibles et où l’être humain s’érige en démiurge tout puissant

4) Les chasseurs banalisent la mort des animaux grâce au verbe « prélever » et ne culpabilisent jamais de supprimer des existences innocentes.

5) La plupart des chasseurs s’adonnent à des pratiques de chasses cruelles telle que la vènerie sous terre, qui laisse place à des violences d’une cruauté et sadisme sans pareil jusqu’à la mise à mort finale des animaux piégés.

Loin de moi la prétention quelque peu déplacée de considérer tous les chasseurs comme des psychopathes. Ce serait d’ailleurs une erreur de tous les hypostasier sous cette même catégorie de  « tueurs fous sans scrupules ». Néanmoins, on ne peut que concéder face à cette démonstration que les activités liées à la « chasse » affectent les structures mentales et émotionnelles des individus. En bref, « chasser » tel qu’on l’entend en France, est un acte de deshumanisation plus qu’une retrouvaille avec « notre vraie nature » comme peut l’affirmer les publicités en faveur du puissant lobbying.