La désillusion Péruvienne

Mise en garde : L’article qui suit est un retour d’expérience. La mienne ou plutôt, la nôtre, puisque je voyage désormais avec ma compagne. Je pars toujours sans a priori et dans ce cas, avec une prise d’informations et une préparation vraiment très limitée, puisque le voyage était initialement prévu en Tanzanie, ce n’est qu’une semaine avant la date du départ que nous avons changé pour le Pérou. La situation politique dans laquelle se trouvait la Tanzanie ne nous garantissait pas, selon moi, un séjour optimal et aurait pu nous conduire au-delà de grandes difficultés. Je suis conscient que ce que je m’apprête à écrire va à l’encontre des avis sur le Pérou et même sur les retours d’expériences généralement mis en avant. Des avis selon moi trop souvent gangrénés par le politiquement correct et la bien pensance ambiante, qui interdit la moindre critique et la moindre teinte de négativité. Le voyage étant bien souvent considéré comme un luxe. Ce que je réfute absolument ici : Voyage / Vacance – Novlangue et manipulation – Looking for Serendip).

Je prône avant tout la singularité de l’humain. Personne n’est définit par-là d’où il vient, encore moins par ce qu’il possède (ou supposé posséder). Je n’ai pas un comportement différent avec une personne disposant, supposément, d’un pouvoir d’achat moins fort que le miens et vice versa. J’attends la même chose en retour. Penser le monde comme un rapport de force perpétuel entre ceux qui ont supposément l’argent et ceux qui en ont supposément moins, m’est insupportable. Cette dichotomie qui vise à croire que moins on dispose de ressources financières, plus on est riches de valeurs (humanisme, tolérance, bienveillance …) me semble tellement irréelle et biaisée. C’est accorder bien trop d’importance au matérialisme. Comme si les systèmes économiques régissaient nos vies jusqu’à notre substantifique moelle. C’est surtout la résultante d’un monde qui fonctionne à l’envers et qui inverse tout. C’est aussi une manière de penser relativement ethnocentriste, mettant nos sociétés ultra consuméristes sur un piédestal, comme le graal recherché par tout le monde, l’évolution ultime et le but de la vie.

La déception a été à la hauteur de l’attente, très grande. Elle ne se situe pas au niveau du pays en soit, qui regorge de sites naturels magnifiques … Ce qui est normal pour un territoire aussi grand et vallonné, entre l’océan pacifique, les chaines montagneuses, la forêt tropicale … Le Pérou dispose d’une faune et d’une flore luxuriante ! Mais dans tous les cas, la nature est toujours belle. L’humain n’est pas responsable de cette beauté. La déconvenue est venue des Péruviens eux même.

Selon l’agence de voyage Evaneos, «  lors de votre voyage au Pérou, vous tomberez sans aucun doute sous le charme du peuple péruvien, étonnant mélange entre l’héritage des civilisations précolombiennes et les traditions apportées par la colonisation espagnole… ». Autant le dire tout de suite, nous ne sommes pas tombés sous le charme.  De tous les pays dans lesquels j’ai eu la chance de me rendre (CV Voyage), c’est indéniablement le pays dans lequel je me suis senti le moins à l’aise. Il ne s’agit pas d’insécurité et de violence, mais d’un climat général d’irrespect et de manque de considération, plus globalement d’une défiance totale envers les étrangers. Comme si un rapport de force était instauré dans n’importe quelle situation de la vie et dans lequel nous revêtions systématiquement le costume du conquistador face à l’autochtone (alors qu’il y a ici ni conquistador, ni autochtone).

Une situation commune a beaucoup de pays, tant la fracture Nord / Sud est profonde, mais que j’ai trouvé vraiment plus marquée ici. Je déteste entendre des généralités sur des peuples, les Italiens sont comme si, les Anglais sont comme ça, et les Indiens, et les Togolais … Qui s’apparentent à des catégorisations et généralités extrêmement simplistes. Mais il y a bien une tendance générale que nous avons pu observer tout au long d’un voyage qui nous aura emmenés au nord, au centre, au sud, à l’Est, à l’Ouest … Bref, un peu aux quatre coins du pays.

C’est ce constat, que je vais tenter d’analyser et de comprendre. Je pense que de tels comportements envers l’étranger en général, sont le résultat d’une longue et complexe histoire. Je souhaite aller un peu plus loin que les simples inégalités entre riches et pauvres. J’ai fait beaucoup de ces pays qu’on appelle « en voie de développement », je n’ai jamais été confronté à des individus aussi rustres, mercantiles, avaricieux, individualistes … Nous n’avons pas arrêté d’être témoin d’incivilités et d’irrespects … L’excuse de l’inégalité financière et ce statut de pays en transition n’explique pas tout.

Mon opinion exposée ici n’est que la résultante de mon expérience empirique. Je n’assène pas de vérité générale et je ne souhaite pas montrer du doigt chaque Péruvien … Je dégage des situations qui n’ont eu de cesse de se répéter durant le voyage, tous les jours, dans toutes les villes … Entre tentatives de tromperie presque automatique sur les prix, les rendus de monnaie, des techniques de vente très invasives qui frôlent avec le harcèlement et le peu de considération que nous portent les locaux, quelque part entre dédain et mépris. C’est épuisant d’être toujours sur le qui-vive.

Il y a un restaurant Parisien qui fait le buzz et qui porte le nom « Mangez et cassez-vous » et bien ici, c’est un peu « payez et cassez-vous ». C’est vraiment le premier pays où je n’ai eu aucun rapport avec la population autre qu’en payant, toujours payer … Ce qui a donné lieu à des situations ubuesques ! Vraiment la sensation de ne se sentir que comme un portefeuille ambulant, ne méritant la discussion qu’à partir du moment où je me suis délesté de quelques soles.

Pour contextualiser, en 1968 le général Juan Velasco Alvarado s’empare du pouvoir suite à un coup d’Etat, c’est le début d’une dictature militaire marquée par de nombreuses nationalisations, une énorme réforme agraire (une des plus vaste de toute l’Amérique du Sud) … Le coup classique des communiste idéalistes de cette période, empreint de Léninisme, de Marxisme, de Guévarisme ou encore de Maoïsme … Les figures de l’époque ! Les périodes démocratiques qui s’en suivent doivent traiter avec une opposition farouche et la formation de plusieurs groupuscules à tendance terroristes, comme le sentier lumineux ou le mouvement Tupac Amaru, auquel le gouvernement répond avec la formation de milices paramilitaires …

Vous l’aurez compris, le pays ne traverse pas une période faste ! Pire, il se déchire et on observe déjà les contours de ce qui sera de plus en plus visible avec le temps. A savoir une énorme fracture entre les villes et les campagnes. Plus généralement entre le littoral et les régions Andines et insidieusement, entre ceux qu’on appelle les cholos (populations rurales) et les populations urbaines.

C’est l’épineuse question de l’identité au prisme de l’indianité, qui s’avère être un défis majeur à relever dans l’optique d’un vivre ensemble harmonieux, pour un pays peuplé par un nombre incroyable d’ethnies et de cultures … Difficile de trouver un chiffre précis, mais on dénombre près d’une centaines de langues endémiques et plus de 70 ethnies différentes. Penser qu’elles ont vécues (et vivent) ensembles dans la joie et la bonne humeur, relève de l’idéalisme stupide. Le pays a été le théâtre de nombreuses guerres internes.

L’empire qui caractérise le plus souvent le pays est l’empire Inca, considéré comme le plus grand d’Amérique précolombienne (aucun rapport avec la Colombie, cette désignation caractérise juste l’évolution du continent avant les multiples interventions Européennes). Je pense qu’il est très difficile d’en parler puisque la majeur partie des informations que nous avons et qui sont reprisent dès que l’on évoque cette période, nous viennent des observations des conquistadors espagnoles.

L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs et dans ce cas précis, beaucoup de Péruviens remettent en question les versions les plus connues (nous avions eu une très longue discussion à ce sujet avec notre hôte couchsurfing à Ayacucho, ce qui a pu nous orienter vers une pensée dissidente vis-à-vis des versions pseudo officielles, qui sont souvent très romanesques et entourées de beaucoup de mysticités ). Effectivement, il m’est difficile de croire en la version « officielle », en tout cas celle de Wikipédia et des Espagnols, selon laquelle une expédition composée de 180 hommes et 37 cavaliers aurait réussi à mettre à mal un empire si conséquent et influent, sur un terrain si spécifique, en faisant jouer la diplomatie, exploitant les divisions internes pour créer des alliances locales entre conquistadors et communautés autochtones, alors tous unis contre l’empire Inca … Francisco Pizarro et Diego d’Almagro seraient alors les plus gros stratèges oubliés de l’histoire.

Il ne fait cependant aucun doute que pour devenir les plus grand, c’était aussi le plus belliqueux. Il laisse donc une trace indélébile marqué par la violence et la conquête à travers la guerre.

Au-delà de tout ça, il m’a semblé important de comprendre le degré élevé de division entre les différentes communautés, ce qui mène à un comportement extrêmement individualiste et communautaire, comme replié sur sa propre identité et ceux qui la partagent. Il est important de savoir qu’un Péruvien peut être considéré comme un étranger au sein de son propre pays après avoir parcouru quelques kilomètres. Et je ne parle de division à la Française, souvent basée sur des pratiques culturelles qui divergent de régions en régions et qui relèvent plus du folklore que de la création de véritable casus belli.

Du communautarisme exacerbé basé sur un sentiment d’appartenance à une ethnie et une culture propre, nait un racisme systémique et une dynamique d’exclusion extrêmement important dans le pays, comme en atteste ce rapport des nations unies datant de 2020, qui expose principalement le cas des populations afro-péruviennes, d’ascendance africaine, principalement venue pendant la période de l’esclavage (qui n’a été abolit que 33 ans après l’indépendance du pays), mais qui est généralisable à l’ensemble des minorités, dont des populations indigènes.

Le pire endroit où nous avons été reçus est Pillcopata, une ville située au Nord-Est de Cusco, dans la forêt tropicale Amazonienne. Là, nous avons vraiment ressenti la défiance et l’exclusion … Entre regards noirs et refus de nous servir dans un restaurant. Nous étions même les seuls à devoir porter un masque dans le village, comme des pestiférés venu ramener le virus covidien. Nous étions seuls, sans tour opérator, sans agence de voyage locale, sans guide … Comme des réfractaires au système Péruvien où tu dois de raquer à tous les instants et toujours être accompagné. Cette posture n’était manifestement pas bien vue.

C’est d’ailleurs ici que j’ai eu ma pire expérience workaway de ma vie, un homme désorganisé et sans scrupules, avec qui j’étais pourtant en contact depuis plusieurs semaines (échange de courriels, appels vocaux, whatsapp …) et donc parfaitement au courant de notre venue.

A la base, nous devions travailler dans son eco lodge (chose qui ne veut rien dire là-bas, puisqu’il n’y a que des eco lodges …) 5h par jours, 5 jours par semaine, classique pour ce type d’échange travail / logement. Une fois arrivé sur place, dans ce village qui nous est donc apparu directement hostile et inhospitalier, nous avons demandé à un taxi de nous conduire sur les lieux du volontariat. Celui-ci ne connaissait manifestement pas l’endroit, j’ai donc appelé la personne avec qui j’étais en contact, qui lui a expliqué la route et qui m’a au passage averti de son absence, tout en m’affirmant que quelqu’un allait arriver dans l’heure et qu’on pouvait se mettre à l’aise en l’attendant.

Une fois sur place, nous nous sommes vite rendu compte que le lieu était vide et inhabité depuis longtemps. La nuit commençait à tomber et personne ne s’était manifesté. Pour corser le tout, il n’y avait bien sûre aucun signal wifi, aucun réseau téléphonique, pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture … Bref, rien. Nous étions dans la forêt amazonienne à 3h de marche du premier village (Pilcopatta). Je vous passe les détails de l’attente. Aux alentours de 23h, nous avons entendu un bruit de mobylette au loin, nous nous sommes donc précipités vers la route en criant à l’aide. 2 hommes se sont arrêtés … A la base ils ne voulaient même pas nous aider (arguant que nous étions sur une propriété privée et qu’il ne pouvait rien faire). Après quelques minutes de discussion, ils ont acceptés de prévenir quelqu’un au village. 1h après, un homme s’est présenté et nous a ouvert une chambre. Ce dernier devait revenir le lendemain matin avec des informations complémentaire sur la suite de notre séjour (nous devions rester 2 semaines). Il n’est jamais venu. Nous avons dû quitter le lieu à pied, pour rejoindre Pilcopatta par nos propres moyens.

Suite à mon signalement à l’équipe de Workaway, cet hôte a été supprimé. Mais il continue d’avoir pignon sur rue, il s’agit du Guadalupe Lodge. Ne faite jamais confiance à ce sombre personnage et sa structure de voleurs.

C’est un bref résumé d’une histoire qui aurait pu se passer n’importe où. Pour moi, elle s’est déroulée au Pérou. Pas de chance J.

MAJ 05/01/2022

Je n’arrive pas a terminé cet article … Donc je le publie tel quel. Vous aurez compris que le Pérou a été une expérience en demi-teinte.